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Un salarié a le droit de revendre sans délai des actions préemptées

Si la clause de préemption n’est soumise à aucune condition temporelle, la revente sans délai, par un salarié, de la quasi-totalité des actions préemptées n’est pas abusive.

Le droit de préemption dans les SAS

Dans une SAS, la cession d’actions est en principe libre. Toutefois, une clause de préemption peut être insérée dans les statuts de la société. Elle instaure, pour les bénéficiaires de la clause, un droit prioritaire d’achat des actions.

Tel était le cas d’une SAS dont les statuts prévoyaient un droit de préemption au profit de ses salariés.

La revente sans délai des actions préemptées

Un actionnaire de la SAS présente aux salariés un projet de restructuration, incluant notamment la prise de contrôle de la société et une baisse des salaires. Suite à la présentation de son projet, l’actionnaire entreprend de racheter les actions de plusieurs actionnaires. Les salariés font alors jouer leur droit de préemption et revendent, quelques jours plus tard, une partie significative des actions préemptées à une société toute récente. Cette société vient, en effet, d'être créée par des actionnaires opposés au projet de restructuration.

L’actionnaire évincé reproche alors aux salariés l’usage abusif du droit de préemption. Il considère que ce droit a été détourné de sa finalité dans le seul but, pour les salariés devenus temporairement actionnaires, d’obtenir les voix suffisantes pour agréer rapidement la nouvelle société. Il soulève, à cet effet, que les salariés n'avaient pas, au moment de l'exercice du droit de préemption, les financements nécessaires pour payer les actions préemptées.

Il demande au juge l’annulation des cessions d’actions, sa substitution en tant que titulaire des actions et le versement de dommages et intérêts.

La prise en compte de l’intérêt de la société et des actionnaires dans l’appréciation du caractère abusif de la revente

Les juges retiennent que l’exercice du droit de préemption, dans le but de contrer la hausse de participation d’un actionnaire dans le capital de la société, n’est pas abusif s'il caractérise le droit légitime des actionnaires de préserver leurs intérêts et qu’il est exercé conformément aux statuts. Or, les statuts de la SAS ne prévoient aucun délai d’inaliénabilité des actions préemptées. Les salariés n'ont donc pas enfreint une règle statutaire.

De plus, ils sont restés associés de la société malgré la revente de la quasi-totalité des actions préemptées. Ils démontrent ainsi un intérêt à la bonne marche des affaires de la société. L’usage du droit de préemption n’a donc pas non plus été détourné au détriment de la société.

Par conséquent, la demande de l’actionnaire évincé est rejetée.

En pratique :

Dans ce cas d’espèce, le droit de préemption n’était subordonné à aucune condition temporelle. Ainsi, la revente quasi-immédiate d’une partie significative des actions préemptées était tout à fait conforme aux statuts de la société.

Si les actionnaires d'une SAS souhaitent éviter une telle situation, il est conseillé, lors de l’ajout d’une clause de préemption dans les statuts, de soigner la rédaction de celle-ci et d’envisager, notamment, une durée d’inaliénabilité des actions suite à la préemption.

Cass. com. 18 septembre 2019, n° 17-18143

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